Amis parisiens, le passe Navigo, vous connaissez? Savez-vous que ce titre de transport bien connu est équipé d’une puce appelée RFID dans laquelle est incorporée vos données personnelles, et qui permet en la passant sur la borne de la RATP de connaître tous vos passages, horaires et trajets?
Pour clarifier un peu la situation, prenons d’abord la définition du système RFID (merci Wikipedia) : Radio Frequency Identification : méthode utilisée pour stocker et récupérer des données à distance en utilisant des balises métalliques, les « Tag RFID ». Ces balises, qui peuvent être collées ou incorporées dans des produits, et qui sont composées d’une antenne et d’une puce électronique, réagissent aux ondes radio et transmettent des informations à distance. Cette technologie est censée, à terme, remplacer les codes barres.
Plus simplement, la puce RFID est une puce contenant des données permettant d’être tracées.
Les applications : les cartes Vélib’, les passeports électroniques, les badges d’accès aux immeubles, les clés sans contact des voitures, etc. Les arbres de Paris en sont munis, renseignant les jardiniers sur les dates de plantation, les maladies et traumatismes subis, etc […].
Antivols, gestion des inventaires, réduction des files d’attentes au supermarché grâce à l’identification du contenu par balayage radio… Assurer l’accès protégé à des sites confidentiels, permettre le stockage de données médicales, certifier que les produits surgelés ont bien suivi la chaîne du froid, suivre à la trace les colis postaux, etc. C’est aussi un outil infaillible pour repérer les fraudes. Pratique, non?
Seulement voilà, la nature même de ce système est une menace à l’anonymat et à la liberté individuelle. Et cela, on le chuchote, on l’ignore, on l’oublie.
Pour revenir sur le passe Navigo, remémorons-nous son apparition. Tout d’abord, il y a l’inoffensive carte Orange. Puis le passe Navigo apparaît, on nous la présente comme une possibilité : c’est tout de même bien pratique, il n’y a plus de ticket, et puis qu’est ce que c’est classe de passer sa carte sur le lecteur sans même la sortir de son sac! Jusque là, OK, les gens font bien ce qu’ils veulent. Puis on nous apprend que la carte Orange ne sera plus distribuée : on nous oblige à nous munir d’un passe Navigo. Alors ok, bon, qu’est ce que ça change? Je remplis mon dossier, je mets mon nom, etc, très bien, je reçois mon passe, et je ne me rends même pas compte que ce passe permet de m’identifier à chacun de mes voyages : dès que je valide mon passe, on sait où j’étais et à quelle heure. Dès que je l’apprends, je sors de mes gonds, et je me renseigne. Ah, il existe un moyen de rester anonyme : le Navigo Découverte. Seulement voilà, il coûte 5 euros. Eh oui, c’est le prix de l’anonymat…
Le pire, c’est qu’il faut vraiment le savoir, que ce passe Découverte existe : la RATP n’en parle pas, le site du passe navigo non plus (on remarquera d’ailleurs sur ce site les indications « vous avez tout à y gagner », « ce passe est gratuit », etc). Et lorsque l’on s’adresse à un agent RATP pour se munir d’une carte de transport, on ne nous parle que du Navigo. Bref, un scandale.
La plupart des usagers ne sont même pas au courant de tout ça. Et parmi ceux qui le sont, la plupart s’en fichent royalement. Et d’ailleurs, je crois bien que c’est ça le pire. Comment peut-on préférer économiser 5 euros et perdre une de ses libertés individuelles? Je ne comprends vraiment pas. Je pense que ces gens ne se rendent simplement pas compte des conséquences de leur indifférence.
Car la puce RFID est aujourd’hui partout, et on l’accepte de plus en plus.
Les marqueurs RFID intégrés dans des objets peuvent permettre de géolocaliser les individus contre leur gré, d’être informé de leur nationalité par le biais de leur passeport biométrique, d’obtenir l’historique des livres empruntés dans une bibliothèque ou d’identifier leurs habitudes d’achats par exemple. La simple lecture des tags portés par un consommateur à l’entrée d’un magasin (ceux de ses vêtements, des objets contenus dans son sac, ceux des achats qu’il vient d’effectuer dans un autre magasin…) peut en effet conduire à connaître ses habitudes de consommation, et peut servir à lui proposer des promotions sur mesure. Ainsi, pourraient se créer des bases de données secrètes et à forte valeur ajoutée sur les activités privées des individus », préviennent Martine Ricouart-Maillet, avocate, et Raphaël Rault, juriste au cabinet BRM Avocats.
Et encore, là je n’ai parlé que des utilisations de la puce dans les produits. Mais elle commence à être implantée dans les être humains. VeriChip, le leader américain des puces sous-cutanée, en a vendu 7000 dans le monde, dont 2000 implantées dans des humains. Les visées sont le plus souvent médicales, pour les hôpitaux notamment. La justice anglaise envisage d’implanter sous la peau des délinquants une puce RFID afin de pouvoir les tracer. La Food and Drugs Administration a autorisé les USA à utiliser des tags sous-cutanés afin d’accéder aux dossiers médicaux des patients inconscients. Et attention, tenez-vous bien, au Japon, certains écoliers se sont vus marqués avec ces tags sous-cutanés pour permettre à leurs parents d’être avertis par SMS lorsqu’ils arrivent dans l’établissement!! Et aux Etats- Unis, certains employés se sont implanté une puce dans le bras afin de remplacer leur badge d’accès à leur lieu de travail!!! Mon Dieu, mais où va-t-on????
Excusez-moi, je reprends difficilement mon sang-froid.
Et à ceux qui me disent que quand-même, les puces c’est bien, imagine que grâce à une puce dans le bras de mon enfant, je n’ai plus peur qu’il soit enlevé (une puce Verichip a été commercialisée à ces fins au Mexique dès 2003), je réponds une citation de Benjamin Franklin : « Celui prêt à sacrifier un peu de liberté pour obtenir un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre ».
Et ce qui m’attriste dans toute ça, c’est que comme toutes les avancées technologiques (avortement, opérations médicales, etc), quelques années avant on n’y pense même pas, quelle horreur, et puis au fur et à mesure, l’idée passe dans l’esprit des gens, et on finit par accepter tout et n’importe quoi. C’est comme la théorie de la grenouille qui boue : si on la plonge directement dans l’eau bouillante, elle se sauve. Par contre, si on l’habitue progressivement à la chaleur, elle se laissera tremper de plus en plus et finira au fond de la casserole.
Alors des manifestations pour la paix dans le monde, pour l’arrêt de la guerre, pour l’augmentation des salaires, ça il y en a à gogo. Mais manifester pour protéger sa liberté, ça non. Et je ne parle même pas de manifester. Juste acheter un Navigo Découverte et parler du sujet autour de soi, ça peut changer les choses. Imaginez si le passe Navigo avait été un échec et que tout le monde avait acheté un Navigo Découverte : le Navigo aurait simplement disparu!
Le jour où l’on vous vantera les mérites de la puce, refusez, même si vous avez peur pour votre sécurité, ou celle de vos enfants. Leur liberté est plus importante.
Donc oui, on peut changer les choses, on peut avoir une influence.
Car, comme je le disais dans mon premier billet, mon texte d’introduction, je crois en le pouvoir des mots, et, malgré leur peur, leur indifférence, leur insécurité, je crois en l’Homme. Peut-être qu’un jour les gens se réveilleront. J’espère que ce jour-là, il ne sera pas trop tard.
-S-
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